La femme aux belles mains



Il y a une statue de Verrochio qui s'intitule "La Femme aux Belles Mains" et dont j'ai vu le vivant modèle.
Belles mains, et non jolies mains... La jeune femme qui se trouvait dans le "95" avait en effet de grandes, d'extraordinairement grandes mains, dont la blancheur et la perfection rayonnaient comme une présence séparée, une réalité distincte, si lumineuse et évidente que rien d'autre qu'elles ne pouvait exister alentour. Ces mains étaient un chef-d'oeuvre de l'art comme si la nature avait voulu ainsi se condamner elle-même, condamner son habituelle négligence.
Des vers inappropriés de Rimbaud me vinrent à l'esprit : "mains blanches que l'été tanna..." car seule sans doute la poésie pouvait rendre compte de quelque chose qui n'était pas tout-à-fait de ce monde, à moins que ce ne fut, au contraire, le reste du monde qui n'existât qu'à moitié.
Ces mains me firent aussi penser aux colombes de Picasso et à la plénitude d'expression -plénitude du trait, plénitude de la matière- qui constitue la part caractéristique dans l'oeuvre de ce peintre. De tous les visages de la Beauté celui-ci n'est-il pas le moins discutable, le plus vrai : la plénitude ?


S'il y a quelque chose que j'admire et révère au monde ce sont les mains des femmes. Par elles s'expriment ce que certains hommes voudraient ne pas voir : la force, la volonté, le pouvoir de faire.
Peu de femmes ont réellement des mains "féminines" au sens où la société entend ce mot : petits, délicats, fragiles objets voués uniquement au luxe de porter des gants et des bagues.
Par contre on voit beaucoup de créatures enfantines, pulpeuses, gourmandes, qui font usage de puissants et beaux instruments de préhension, battoirs magnifiques armés de griffes rouges, dont je suis l'admirateur secret et passionné.




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