Le tigre, le toucan, l'orchidée


L'habitude nous fait souvent regarder les chats (sans les voir) comme les compagnons ternes et insignifiants de vieilles dames dénuées elles-mêmes d'éclat et de mystère. C'est sans aucun doute les méconnaître, eux, sinon leurs maîtresses.
Considérez celui-ci, par exemple, chat de gouttière peint comme un Sioux sur le sentier de la guerre, et plongez dans cet oeil vitreux et vert dont la pupille verticale ressemble à une fracture accidentelle dans une paroi de jade pur...
Maintenant il dort. Comme la surface d'un astre rayonnant un magnétisme profond l'altère imperceptiblement, symptôme de forces immenses en travail. Une canine aiguë comme une aiguille dépasse un peu des lèvres.
Ce chat est un vrai fauve, capable de se dresser dans un instant comme une harpie, toutes griffes dehors, extasié comme de la limaille de fer dans un champ électromagnétique, fantastique, beau, inexplicable.
Quant à l'art barbare dont il est l'oeuvre, style que Dieu paraît affectionner particulièrement, ne vous vient-il jamais à l'idée d'en admirer la magnifique liberté, et de vous incliner devant le génie insurpassable qui éclate là comme sur le tigre, le toucan, l'orchidée ?


harpies

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